9 novembre 2010

Une vidéosurveillance intelligente pour les personnes agées - UdeMNouvelles

Il sera bientôt possible de faire installer dans l’appartement des ainés un système de vidéosurveillance permettant de détecter les chutes et d’intervenir en conséquence. (Photo: iStockphoto)
Il sera bientôt possible de faire installer dans l’appartement des ainés un système de vidéosurveillance permettant de détecter les chutes et d’intervenir en conséquence. (Photo: iStockphoto)
Mme Lafleur, 77 ans, est tombée dans son salon. Elle a été prise d'un malaise. Heureusement, une caméra de vidéosurveillance installée dans la pièce détecte sa chute et alerte le CLSC de son quartier. En moins de 10 minutes, les ambulanciers sont sur place.
Hérésie technologique? Pas du tout. Pour les concepteurs de cet équipement, la faisabilité du projet et les avantages qu'il peut procurer sont indéniables. «L'une des particularités de notre système est qu'il filme en circuit fermé et pas de façon continue. La prise d'images est déclenchée seulement lorsqu'il y a une chute, ce qui assure une plus grande protection de l'intimité des gens», indique Jacqueline Rousseau, professeure à l'École de réadaptation et chercheuse à l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal (IUGM).
Mme Rousseau et deux collègues, l'informaticien Jean Meunier, aussi professeur à l'Université de Montréal, et le neuropsychologue Alain Saint-Arnaud, clinicien au CSSS Lucille-Teasdale de Montréal, ont mis au point ce dispositif révolutionnaire qui soutient les ainés dans leur quête d'autonomie. Ce système de vidéosurveillance intelligente qui permet de détecter les chutes, voire de les prévenir, pourrait permettre aux gens âgés de vivre plus longtemps chez eux et soulager, du coup, le réseau de la santé.
Tout a été pensé en fonction de la personne au bout du système. «On a travaillé en parallèle sur les aspects technologiques et éthiques liés à l'intervention tout en ayant le souci de minimiser les couts, précise la professeure Rousseau. On croit que ce dispositif peut plaire aux ainés dont le souhait est de demeurer dans leur maison le plus longtemps possible.»
Savoir, mais pas tout voir
Le système de vidéosurveillance intelligente conçu par l'équipe de l'UdeM n'est en rien comparable aux équipements déjà sur le marché. Le dispositif est constitué de caméras branchées à un ordinateur au moyen d'un circuit informatique sécurisé et il peut être relié à n'importe quel portable ou téléphone mobile. On peut aussi le raccorder à l'ordinateur de la centrale du CLSC ou encore à celui d'une centrale de surveillance privée. «Dès qu'une caméra détecte une activité anormale, comme une chute, le système déclenche instantanément une alarme, permettant ainsi une intervention rapide», mentionne Mme Rousseau.
Jacqueline Rousseau s’intéresse depuis longtemps  au maintien à domicile  des gens âgés.
Jacqueline Rousseau s’intéresse depuis longtemps au maintien à domicile des gens âgés.
Autre particularité: les caméras installées au plafond de différentes pièces produisent des images dont la netteté peut être réglée selon les préférences du client. Dans la salle de bain, par exemple, l'individu peut choisir d'embrouiller l'image afin de ne pas laisser voir sa nudité. «À notre grande surprise, les personnes âgées et les proches aidants rencontrés dans le cadre d'une étude de marché ont dit préférer la transmission d'images nettes même lorsque les caméras étaient situées dans la salle de bain. Car on peut voir si la personne saigne, si elle respire...»
Le répondant qui reçoit le message d'urgence a aussi plusieurs options. À distance, il peut notamment visualiser en direct ce qui se passe à la maison et parler avec la personne qui est tombée ou choisir de n'avoir qu'un contact verbal avec elle. Il est également possible de programmer le système de sorte que des images de la personne puissent être vues pendant les secondes ou minutes qui ont précédé sa chute. «Les intervenants pourront ainsi voir l'élément déclencheur et comprendre ce qui s'est passé. Est-ce que la personne s'est accrochée dans son tapis? A-t-elle eu une faiblesse? Comment la chute s'est-elle produite? Souvent, les gens ne s'en souviennent pas ou ne parviennent pas à relater l'incident. Pour la prévention des chutes et l'intervention, cette particularité du système sera très précieuse», estime Jacqueline Rousseau.
Un logement-laboratoire
Depuis son doctorat en réadaptation à l'Université de Montréal de 1992 à 1997, Mme Rousseau s'intéresse au maintien à domicile des gens et à la mise au point d'instruments d'évaluation. Dans ses études doctorales, elle a élaboré l'instrument d'évaluation EDIPE (pour Évaluation à domicile de l'interaction personne-environnement) ainsi qu'un modèle théorique explicatif de la relation personne-environnement, le Modèle de compétence. Ce modèle a grandement contribué à la conception du dispositif de vidéosurveillance par l'équipe de l'UdeM.
Mais les gens âgés sont-ils réellement intéressés par une telle technologie? Oui, selon une enquête menée par Mme Rousseau et ses collègues auprès de 30 individus ayant déjà fait des chutes à domicile et dont la moyenne d'âge était de 79 ans. La grande majorité des répondants affirment être «très en faveur» du système. Le caractère «peu intrusif» du dispositif de vidéosurveillance les a particulièrement emballés. Même son de cloche de la part des 18 proches aidants rencontrés en entrevue individuelle. «Ces derniers ont dit ressentir beaucoup d'insécurité et un tel système réduirait considérablement leurs préoccupations», relate Mme Rousseau. Elle a également constaté un intérêt marqué de la part des intervenants responsables du maintien à domicile et des gestionnaires du réseau de la santé.
Dès le printemps 2010, les concepteurs entreprendront une étude pilote dans un appartement de trois pièces et demie de l'IUGM auprès d'hommes et de femmes âgés aux prises avec des incapacités motrices. Dans ce même logement-laboratoire, ils ont déjà fait des simulations avec des étudiants. Très performant, le système se distingue par son faible taux de fausses alertes. «En validant la technologie auprès de cette population, nous pourrons aller plus loin dans une panoplie d'applications.»
Les chercheurs prévoient ultérieurement faire des tests auprès des gens atteints de problèmes visuels, de déficits cognitifs (traumatisés crâniens et cas d'ACV et d'Alzheimer) et de déficience mentale. «L'objectif est de déployer le tout dans une résidence normale et de rendre la technologie accessible au plus grand nombre, signale Mme Rousseau. Pour l'instant, une implantation dans les domiciles privés est envisageable pour 2011 auprès d'une clientèle souffrant de problèmes moteurs.»
Dominique Nancy

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